Marjorie Salle
Echo; ou le murmure épuisé.
Echo s’est fondue dans les ondes, en uniforme d’une transparence alpha absolue. Elle disparut peu à peu, en laissant son corps s’amenuiser et sa malédiction perdurer à travers un murmure aérien. Celui-ci n’eut d’autre choix que de suivre la trajectoire des vibrations sonores.
Il oscilla jusqu’à atteindre des kilohertz qui le laissèrent confus. Depuis il n’a plus jamais connu le repos, se réfléchissant sur tout obstacle et répétant à l’infini le son source. En vain, il tenta de se taire à jamais. Il rebondit à travers les Sierras cherchant un creux où se loger. Depuis les temples de l’Inde mystique aux forêts sauvages du Québec, des percussions zouloues aux détonations des armes à feu yankees, il s’efforça de se soustraire au monde visible en se dématérialisant dans l’éther.
Il glissa sur les pelouses de golf afin de s’enliser dans la terre et la boue. Il se mêla aux sirènes des bateaux franchissant le delta de la majestueuse Amazone et s’incarna malgré lui dans la bouche des oracles de la vallée de Lima. Ce retour à la vocalité le rendit plus nostalgique encore. À nouveau, il se retrouva mêlé à la chair et aux passions. Il se joignit à la voix stridente de l’enfant qui crie fièrement papa pour lui montrer un nouvel exploit. Il accompagna les sanglots des amoureuses délaissées appelant leurs amants par leurs noms adorés : Charlie, Victor, Mike, Oscar et tant d’autres. Las, il suivit les larmes sur les joues d’un désespéré et se noya dans un verre de whisky avec pour tout décor un hôtel sordide, tout gris sous le ciel de novembre.
Il fut repêché malgré lui par les bravos d’une foule en liesse, retransmis dans une chambre voisine par une télévision dont le son poussé à fond ne lui laissait aucune chance. Et de fil en aiguille, il se retrouva sous les talons de danseurs de fox-trot ou de tango d’une émission de variétés et désespéra d’atteindre l’équilibre du néant.
Changeant sa densité, il résolut de se soustraire aux ondes sonores et entra au cœur de la matière en suivant les rayons X. Mais il ne parvint pas à trouver cette immobilité fantasmée et continua à rebondir sur des os et des organes. Ne pouvant s’effacer, se neutraliser, le murmure se résolut à rendre hommage à Echo. Il se mêla aux cris de désespoir de Juliette découvrant Roméo en son tombeau. Il se faufila aussi dans les grandes compositions musicales symphoniques, leur conférant par là une mystérieuse beauté. Ainsi il légitima sa raison d’être et donna à Echo les honneurs d’une muse lyrique.
Echo or the exhausted murmur.
Echo dissolved into waves, in a uniform of absolute alpha transparency. She disappeared little by little, while her body diminished and her malediction lasted through an aerial whisper. This murmur had no other choice than to follow the path of sound vibrations.
It swayed to achieve kilohertz which left it confused. Since then, it has never known any respite, reflecting on every obstacle and repeating endlessly the source sound. In vain, it tried to be silent forever. It bounced through the Sierras in search of a cavity where it could dwell. From the temples of mystic India to the wild forests of Quebec, from Zulu percussions to the detonations of Yankee firearms, it tried hard to escape the visible world in getting dematerialised in the ether.
It slid on golf lawns before being sucked down into earth and mud. It mixed with the sirens of boats crossing the delta of majestic Amazonia and was embodied against its will in the mouth of the oracles of the Lima Valley. This return to vocality made it still more nostalgic. Once again, it melted with flesh and passions. It combined with the strident voice of the child who screams proudly papa, so that his father notices his new achievement. It stayed with the sobs of deserted wives calling their lovers with their beloved names : Charlie, Victor, Mike, Oscar and so many others. Exhausted, it followed the tears on the cheeks of a desperate one and got drowned in a glass of whiskey with a sordid hotel as decor, entirely grey under the November sky.
It got fished out by the bravos of a jubilant crowd. These cheers were broadcasted in a neighbouring room by a television which sound was turned to its maximum volume and did not give it any chance. And one thing leading to another, it went under the heels of foxtrot and tango dancers in a music show and looked desperately for the balance of nothingness.
By changing its density, it escaped from sound waves and entered at the heart of the material in following the X-rays. But it did not succeed in finding this fantasised stillness and went on knocking on bones and organs. Unable to be erased or neutralised, the murmur decided to pay tribute to Echo. It mingled with the desperate cries of Juliet discovering Romeo in her tomb. It wormed its way through great symphonic compositions, giving them a mysterious beauty. Thus, it legitimised its raison d’être and gave Echo the honours of a lyrical Muse.
Bio ~ Marjorie Salle.
Marjorie is an expert in textile dye, colour and decoration for costume and theatre. She has studied natural and ecologic colour in painting and dyeing in France, India, Indonesia and Australia. She is passionate about colour, and the process of using it and currently works from her studio in Nîmes, France.